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Ici encore, le pauvre amant malheureux est sur le point de pleurer, sa raison s’égare, mais il n’est pas furieux. La musique ne peut pas plus représenter la fureur, qu’un peintre nous montrer deux instants différents de la même action. Le vrai mouvement de la musique vocale est celui des nocturnes. Rappelez-vous le nocturne de Ser Marc Antonio. C’est ce que savaient bien les Hasse, les Vinci, les Faustina et les Mingoti, et c’est ce qu’on ignore aujourd’hui.

Encore moins la musique peut-elle peindre tous les objets de la nature : les instruments ont la rapidité du mouvement ; mais aussi, n’ayant point de paroles, ils ne peuvent rien préciser. Sur cinquante personnes sensibles qui écoutent avec plaisir la même symphonie, il y a à parier que pas deux d’entre elles ne sont émues par la même image.

J’ai souvent pensé que l’effet des symphonies de Haydn et de Mozart s’augmenterait beaucoup si on les jouait dans l’orchestre d’un théâtre, et si, pendant leur durée, des décorations excellentes et analogues à la pensée principale des différents morceaux se succédaient sur le théâtre. Une belle décoration, représentant une mer calme et un ciel immense et pur, augmenterait, ce me semble, l’effet de