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rasse beaucoup. On lui demande la raison d’un accord, d’un passage assigné plutôt à un instrument qu’à un autre, il ne répond guère autre chose que : « Je l’ai fait parce que cela va bien. »

Cet homme rare, repoussé dans sa jeunesse par l’avarice des maîtres, avait pris sa science dans son cœur : il avait soumis son âme à l’effet de la musique ; il avait remarqué ce qui se passait en lui, et cherchait à reproduire ce qu’il avait éprouvé. Un artiste médiocre cite tout simplement la règle ou l’exemple auquel il s’est conformé ; il tient cela bien clairement dans sa petite tête.

Haydn s’était fait une règle singulière dont je ne puis rien vous apprendre, sinon qu’il n’a jamais voulu dire en quoi elle consistait. Vous connaissez trop les arts pour que j’aie besoin de vous rappeler au long que les anciens sculpteurs grecs avaient certaines règles de beauté invariables, nommées canons[1]. Ces règles sont perdues, et leur existence recouverte d’une profonde obscurité. Il paraît que Haydn avait trouvé en musique quelque chose de semblable. Le compositeur Weigl, le priant un jour de lui donner ces règles,

  1. Voir Winkelmann, Visconti, ou plutôt Visconti et Winkelmann.