Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite, en composant, il avait besoin d’un passage de tel caractère, il recourait à son magasin.

Cependant d’ordinaire Haydn n’entreprenait une symphonie qu’autant qu’il se sentait bien disposé. On a dit que les belles pensées viennent du cœur ; cela est d’autant plus vrai que le genre dans lequel on travaille s’éloigne davantage de l’exactitude des sciences mathématiques. Tartini, avant de se mettre à composer, lisait un de ces sonnets si doux de Pétrarque. Le bilieux Alfieri, qui, pour peindre les tyrans, leur a dérobé la farouche amertume qui les dévore, aimait à entendre de la musique avant de se mettre au travail. Haydn, ainsi que Buffon, avait besoin de se faire coiffer avec le même soin que s’il eût dû sortir, et de s’habiller avec une sorte de magnificence. Frédéric II lui avait envoyé un anneau de diamants : Haydn avoua plusieurs fois que si, en se mettant à son piano, il oubliait de prendre cette bague, il ne lui venait pas une idée. Le papier sur lequel il composait devait être le plus fin possible et le plus blanc. Il écrivait ensuite avec tant de propreté et d’attention, que le meilleur copiste ne l’aurait pas surpassé pour la netteté et l’égalité des caractères. Il est vrai que ses notes avaient la tête si petite et la