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déguisée que son tour soit arrivé, et alors entame son histoire, sans répondre à l’autre en aucune manière.

Le bon ton, qui, là comme dans un salon, part du même principe[1], consiste, au café de Foy, à écouter l’autre avec une apparence d’intérêt, à sourire aux parties comiques de ses contes, et, en parlant de soi, à déguiser un peu l’air hagard et inquiet de l’intérêt personnel. Voulez-vous des portraits bien francs de cet intérêt personnel dans toute sa rudesse ? Entrez un instant à la Bourse d’une ville de commerce du Midi ; voyez un courtier proposer un marché à un négociant. Cet intérêt personnel trop mal couvert donne à certains couples de causeurs du café de Foy l’air de deux ennemis rapprochés par force pour discuter leurs intérêts.

Dans une société plus riche et plus civilisée, ce n’est pas du fonds de l’histoire, mais de la manière de la conter que celui qui parle attend une bonne récolte de jouissances de vanité : aussi choisit-on l’histoire aussi indifférente que possible à celui qui parle.

Volney raconte[2] que les Français cul-

  1. (Dans une société composée d’indifférents) se donner réciproquement le plus grand plaisir qu’il est possible.
  2. « Voisiner et causer sont, pour des Français, un besoin d’habitude si impérieux, que, sur toute la frontière de