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VIE DE ROSSINI. 265

bien chanter, il n’avait plus qu’à recueillir, sa réputation et sa fortune étaient faites. Depuis Rossini, personne ne songe à dianter bien ou mal un largo^ et si l’on présentait un de ces moreeaux au public, je vois d1ci certain mot relatif au diable et à son enterrement qui se trouverait sur toutes les lèvres ; le pu- blie croirait mourir d’ennui : c’est tout simplement qu’on lui parle une langue étrangère qu’il croit savoir, mais que dans le fait il a besoin d’apprendre.

Le chant ancien touchait l’âme, mais quelquefois pouvait pa- raître languissant. Le chant de Rossini plaît à l’esprit ei jamais n’ennuie. Il est cent fois moins difficile d’acquérir le talent de bien chanter un grand rondo de Rossini , celui de la Donna dH Lago par exemple, que celui qu’il faut pour bien chanter un grand air de Sacchini.

Les nuances pour les tenues de voix, le chant de portamento *, l’art de modérer la voix pour la faire tomber également sur toutes les notes dans le chant legato^ Tart de reprendre la respi- ration d’une manière insensible et sans rompre le long période vocal des airs de l’ancienne école, <^mposaient autrefois la par- tie la plus difficile et la plus nécessaire 4ç l’exécution. L’agilité plus ou moins brillante de l’organe ne servait que pour les gor- gheggi^ c’est-à-dire, n’était employée que pour le luxe, que pour l’apparat, en un mot que pour ce qui brillait , et jamais pour ce qui faisait les délices du cœur. 11 y avait à la fin de chaque air, à la cadenza^ vingt mesures destinées uniquement à faire briller le gosier du chanteur, à faire des gorgheggi.

Les amis les plus sincères de Rossini reprochent avec raison, à la révolution qu’il a opérée en musique, d’avoir resserré les limites du chant, d’avoir diminué les qualités touchantes de ce bel art ; d’avoir rendu inutiles aux chanteurs certains exercices, desquels dérivaient ensuite ces transports de folie et de bon- heur si fréquents dans Thistoire de Pacchiarotti et de la musique ancienne, et si rares aujourd’hui. Ces miracles provenaient du pouvoir de ta voix, La révolution rossinienne a tué l’originalité des chanteurs. A

1. Je troave une difflcalté presque insnrmonlable à parler da chant en français. Voici ce petit passage et italien : t Le ombreggiature per le messe di voce, il cantar • di portamento, 1’ arte di fcrmare la oce per farla flaire egnale ncl canto legaio, « IHirte di prender fiato in modo insensibile e senza troncare il longo periodo vocale « délie arte anliche. *