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Le projet de remettre les Bourbons était ridicule ; le peuple avait encore trop d’horreur pour les nobles, et, malgré les crimes de la Terreur, il aimait encore la République. Il fallait pour les Bourbons une armée étrangère dans Paris. Refaire la République c’est-à-dire donner une constitution qui pût se soutenir par elle-même, Napoléon ne se sentait pas les moyens de résoudre ce problème. Il trouvait les hommes à employer trop méprisables et trop vendus à leurs intérêts. Enfin il ne voyait pas de place assurée pour lui-même, et, s’il se trouvait encore un traître pour vendre la France aux Bourbons ou à l’Angleterre, sa mort était la première mesure à prendre. Dans le doute, l’ambition l’emporta, comme il est naturel ; et, du côté de l’honneur, Napoléon se dit : « Je vaux mieux à la France que les Bourbons. » Quant à la monarchie constitutionnelle que voulait Sieyès, il n’avait pas les moyens de l’établir, et alors son roi était trop inconnu. Il fallait un remède énergique et prompt.

Cette malheureuse France, désorganisée à l’intérieur, voyait toutes ses armées tomber les unes après les autres ; et ses ennemis étaient des rois qui devaient être sans pitié pour elle, puisque la République, montrant le bonheur à leurs sujets, ten-