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force de la Russie croissait rapidement, et tenait à la force des choses ; de plus, la Russie était inattaquable. Il n’y a qu’une barrière contre les Russes : c’est un climat très chaud. En trois ans ils ont perdu par les maladies, à leur armée de Moldavie, trente-six généraux et cent vingt mille hommes.

Napoléon eut donc toute raison de chercher à arrêter la Russie tandis que la France avait un grand homme pour souverain absolu. Le roi de Rome, né sur le trône, n’eût probablement pas été un grand homme et encore moins un souverain despotique. Le sénat et le corps législatif devaient tôt ou tard prendre de la vigueur et certainement l’influence de l’empereur des Français serait tombée, à la mort de Napoléon, en Italie et en Allemagne. Rien ne fut donc plus sage que le projet de guerre contre la Russie, et, comme le premier droit de tout individu est de se conserver, rien ne fut plus juste.

La Pologne, par ses relations avec Stockholm et Constantinople, était, pour le midi de l’Europe, un boulevard formidable. L’Autriche et la Prusse eurent la sottise, et Louis XV l’ineptie, de prêter les mains à la destruction du gage unique de leur sûreté future. Napoléon dut chercher à rétablir ce boulevard.