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cier qui n’a pas été au feu depuis dix ans, mais on sait assez que j’ai un ministre de la guerre qui me surprend des signatures. » Le lendemain l’empereur signait, sans le lire, le décret qui nommait ce brave homme chef de bataillon.

À l’armée, après une victoire ou après un simple avantage remporté par une division, l’empereur passait toujours une revue. Après avoir passé dans les rangs, accompagné du colonel, et parlé à tous les soldats qui s’étaient distingués, il faisait battre un ban ; les officiers se réunissaient autour de lui. Là, si un chef d’escadron avait été tué, il demandait tout haut : « Quelle est le plus brave capitaine ? » Là, dans la chaleur de l’enthousiasme pour la victoire et pour le grand homme, les âmes étaient sincères, les réponses étaient loyales. Si le plus brave capitaine n’avait pas assez de moyens pour être chef d’escadron, il lui donnait un avancement dans la Légion d’Honneur, et revenant à la question, demandait : « Après un tel, quel est le plus brave ? » Le prince de Neuchâtel tenait note avec un crayon des promotions ; et aussitôt l’empereur passé à un autre régiment, le commandant de celui qu’il venait de quitter faisait reconnaître dans leurs grades les nouveaux officiers.