votre dîner à la police, pour qu’elle y ait quelqu’un. » Le général est fort étonné et encore plus fâché. Le soir, trouvant le duc d’Otrante à un conseil chez l’empereur, il lui dit : « Parbleu, il est bien fort que je ne puisse pas donner un dîner de vingt personnes sans admettre un de vos gens ! » Le ministre s’excuse, mais ne se relâche point de la condition nécessaire ; le général s’indigne. Enfin Fouché lui dit, comme par inspiration : « Mais, voyons votre liste. » Le général la lui donne. À peine le ministre est-il au tiers des noms, qu’il se met à sourire, et lui rendant la liste : « Il n’est pas besoin que vous invitiez d’inconnus. » Et les vingt invités étaient tous de grands personnages !
Après l’esprit public, ce que le monarque abhorrait le plus, c’était l’esprit de société. Il proscrivit en furieux l’Intrigante, comédie d’un auteur vendu à l’autorité[1] : mais on osait plaisanter ses chambellans ; on s’y moquait des dames de la cour qui, sous Louis XV, faisaient des colonels. Ce trait, si éloigné de lui, le choqua profondément : on osait se moquer d’une cour.
Chez un peuple spirituel, où l’on sacrifie gaiement sa fortune au plaisir de dire un bon mot, chaque mois voyait éclore quelque
- ↑ Étienne. (Note de Colomb.)