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au bout de quatre ans. C’est un honneur et une fortune éternelle pour sa famille. »

Ces pauvres ministres étaient réellement hébétés par ce régime. L’estimable comte Dejean fut obligé de lui demander grâce un jour. Il calculait les dépenses de la guerre sous la dictée de l’empereur et était tellement ivre de chiffres et de calculs qu’il fut obligé de s’interrompre et de lui dire qu’il ne comprenait plus.

Un autre ministre tomba de sommeil appuyé sur son papier pendant que l’empereur lui parlait, et ne se réveilla qu’au bout d’un quart d’heure toujours parlant à Sa Majesté et lui répondant ; et c’était une des meilleures têtes.

La faveur des ministres avait des phases d’un mois ou six semaines. Quand un de ces pauvres gens voyait qu’il ne plaisait plus au maître, il redoublait de travail, devenait jaune et redoublait de complaisance envers le duc de Bassano. Tout à coup et à l’improviste, leur faveur revenait ; leurs femmes étaient invitées au cercle et ils étaient ivres de joie. Cette vie tuait, mais n’admettait pas l’ennui. Les mois passaient comme des journées.

Quand l’empereur était content d’eux, il leur envoyait une dotation de dix mille livres de rente. Un jour, s’étant aperçu de quelque lourde sottise que lui avait fait