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nison de 80.000 hommes et un homme d’esprit pour ambassadeur, il tirait de l’Espagne tous les vaisseaux et tous les soldats qu’elle pouvait fournir. Qui peut assigner le degré d’adoration auquel se serait abandonné un peuple, chez lequel la louange devient un hymne et l’admiration une extase ?

Il est hors de doute que Napoléon fut séduit par l’exemple de Louis XIV. Une fois provoqué à Iéna, il voulut faire autant que le grand roi. Il changea de roi précisément chez la seule nation à laquelle cette mesure ne convint pas. Les menaces, sans cesse renouvelées, de M. de Talleyrand, eurent aussi beaucoup de part à sa résolution.

Au moment où Joseph entrait en Espagne et où Napoléon retournait triomphant à Paris avec ses remords et ses fausses idées, l’Espagne était déjà soulevée. Tandis que le conseil de Castille ordonnait une levée de 300.000 hommes, un grand nombre de communes se soulevaient d’elles-mêmes. Il n’y eut pas de village qui n’eût sa junte. L’Espagne offrit tout à coup un spectacle semblable à celui de la France, lorsqu’en 1793, elle était couverte de corps délibérants sur les dangers de la patrie. À Séville, à Badajoz, à Oviedo le soulèvement eut lieu à la nouvelle des évé-