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faite aux lieux mêmes des fruits qu’on a tirés, doivent donner une influence à laquelle les absents, les nobles ne peuvent avoir part. Si l’Espagnol écoute son prêtre comme son supérieur en lumières, il l’aime comme un égal en amour de la patrie. Les prêtres abhorrent les principes libéraux ; on ne peut guère prévoir comment l’Espagne sortira de là. C’est un cercle vicieux ; peut-être est-elle destinée à donner aux générations futures l’utile et nécessaire spectacle d’une monarchie complète[1].

L’Espagne était en feu depuis six mois, que Napoléon croyait encore que les bienfaits du gouvernement représentatif allaient lui gagner tous les cœurs. Il savait que, de tous les peuples de l’Europe, c’était celui qui avait porté le plus loin l’admiration pour ses hauts faits. L’Italien et l’Espagnol, n’ayant rien de frivole dans le caractère, étant pétris de passion et de méfiance, sont meilleurs juges de la grandeur dans les chefs des nations.

Si Bonaparte eût fait pendre le prince de la Paix, renvoyé Ferdinand VII en Espagne avec la constitution de Bayonne, une de ses nièces pour femme, une gar-

  1. Le despotisme tempéré par l’aristocratie des nobles et celle des prêtres, c’est-à-dire trois pouvoirs conjurés contre le citoyen utile et producteur et le pillant à l’envi.