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Napoléon, qui avait vécu en Corse et en France au milieu de nations pleines d’énergie et de finesse, fut à l’égard des Espagnols la dupe de son cœur.

L’Espagne, de son côté, manqua une occasion que la suite des siècles ne lui représentera plus. Chaque puissance a un intérêt (mal entendu il est vrai) à voir ses voisins dans un état de faiblesse et de décadence. Ici, par un hasard unique, l’intérêt de la France et de la péninsule pour un moment se trouva le même. L’Espagne avait l’exemple de l’Italie que Napoléon avait élevée. Quoique la nation espagnole soit très contente sur son fumier, peut-être d’ici à deux cents ans parviendra-t-elle à arracher une constitution, mais une constitution sans autre garantie que cette vieille absurdité qu’on appelle des serments, et Dieu sait encore par quels flots de sang il faudra l’acheter ! Au lieu qu’en acceptant Joseph pour roi, les Espagnols avaient un homme doux, plein de lumières, sans ambition, fait exprès pour être roi constitutionnel, et ils avançaient de trois siècles le bonheur de leur pays.