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collège un an ou deux de plus que les autres élèves. Il passa ces années dans la solitude et le silence ; jamais il ne se mêlait aux jeux de ses camarades ; jamais il ne leur adressait une parole. Rêveur, silencieux, solitaire, il était connu entre eux par sa manie d’imiter les manières et jusqu’au langage des grands hommes de l’antiquité. Il affectait surtout les phrases courtes et sentencieuses des Lacédémoniens. Un des malheurs de l’Europe, c’est que Napoléon ait été élevé dans un collège royal, c’est-à-dire en un lieu où une éducation sophistiquée et communément donnée par des prêtres est toujours à cinquante ans en arrière du siècle. Élevé dans un établissement étranger au gouvernement, il eût peut-être étudié Hume et Montesquieu ; il eût peut-être compris la force que l’opinion donne au gouvernement.

Napoléon fut admis à l’École Militaire. On trouve dans les journaux du temps que, lors d’une des premières ascensions que Blanchard fit en ballon, au Champ-de-Mars, un jeune homme de l’École Militaire voulut forcer la consigne et fit tout au monde pour monter dans la nacelle : c’était Bonaparte.

On n’a encore recueilli que peu d’anecdotes sur cette époque de sa vie. On parlait de Turenne ; une dame disait : « J’aimerais