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sant indifféremment sur divers sujets, jusqu’à deux ou trois heures du matin ; en général nous parlions politique et philosophie. Il est plein d’instruction et d’opinions libérales ; il doit tout cela au colonel Laharpe, son instituteur. Quelquefois j’étais embarrassé pour deviner si les sentiments qu’il exprimait étaient ses opinions réelles ou l’effet de cette vanité commune, en France, de se mettre en contraste avec sa position. »

Dans un de ces tête-à-tête, les deux empereurs discutèrent les avantages comparatifs de la monarchie héréditaire et de la monarchie élective. Le despote héréditaire prit le parti de la monarchie élective, et le soldat de fortune fut pour l’ordre de la naissance. « Combien peu y a-t-il à parier qu’un homme, que le hasard de la naissance appelle au trône, aura les talents nécessaires pour gouverner. » — « Combien peu d’hommes, répliquait Napoléon, ont possédé les qualités qui donnent des droits à cette haute distinction : un César, un Alexandre, dont on ne trouve pas un par siècle ; de manière qu’une élection, après tout, est encore une affaire de hasard et l’ordre successif vaut sûrement mieux que les dés. »

Napoléon laissa le Nord avec la pleine conviction qu’il s’était fait un ami de l’em-