Page:Stendhal - Vie de Henri Brulard, t1, 1913, éd. Debraye.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Rue des Mûriers, c’est celui de la paroisse Notre-Dame. »

Tout le dialogue de cette nuit m’est encore présent, et il ne tiendrait qu’à moi de le transcrire ici. Là véritablement a commencé ma vie morale, je devais avoir six ans et demi. Au reste, ces dates sont faciles à vérifier par les actes de l’état-civil.

Je m’endormis ; le lendemain, à mon réveil, Marion me dit :

« Il faut aller embrasser ton père.

— Comment, ma petite maman est morte ! mais comment est-ce que je ne la reverrais plus ?

— Veux-tu bien te taire, ton père t’entend, il est là, dans le lit de la grand’tante. »

J’allai avec répugnance dans la ruelle de ce lit qui était obscure parce que les rideaux étaient fermés. J’avais de l’éloignement pour mon père et de la répugnance à l’embrasser.

Un instant après arriva l’abbé Rey, un homme fort grand, très froid, marqué* de petite vérole, l’air sans esprit et bon, parlant du nez, qui bientôt après fut grand vicaire. C’était un ami de la famille.

Le croira-t-on ? à cause de son état de p[rêtre] j’avais de l’antipathie pour lui.

M. l’abbé Rey se plaça près de la fenêtre, mon père se leva, passa sa robe de chambre, sortit de l’alcôve fermée par des rideaux de serge verte. (il y avait d’autres beaux rideaux de taffetas rose, brochés de blanc, qui le jour cachaient les autres).