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leur véritable pain quotidien. La vue d’un pareil succès me glace, je ne daigne plus parler aux gens qui ont applaudi Mélodrame. Je vois tout le néant de la vanité.

Il y a deux mois donc, en septembre 1835, rêvant à écrire ces mémoires, sur la rive du lac d’Albano (à deux cents pieds du niveau du lac), j’écrivais sur la poussière comme Zadig ces initiales :

V. Aa. Ad. M. Mi. Al. Ainc. Apg. Mde. C. G. Ar.

V. A1. Ad. i2 Mi. Al. Ai3. A 2. Mde. C456

(Mme Azur dont j’ai oublié le nom de baptême.)

Je rêvais profondément à ces noms, et aux étonnantes bêtises et sottises qu’ils m’ont fait faire (je dis étonnantes pour moi, non pour le lecteur, et d’ailleurs je ne m’en repens pas).

Dans le fait je n’ai eu que six de ces femmes que j’ai aimées. La plus grande passion est à débattre entre Mélanie 2, Alexandrine, Métilde et Clémentine 4.

Clémentine est celle qui m’a causé la plus grande douleur en me quittant. Mais cette douleur est-elle comparable à celle occasionnée par Métilde, qui ne voulait pas me dire qu’elle m’aimait ?

Avec toutes celles-là et avec plusieurs autres, j’ai toujours été un enfant ; aussi ai-je eu très peu de succès. Mais, en revanche,