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gination n’a pu prendre son vol. J’ai admiré la draperie de brocart d’or, peinte à fresque, à côté du trône, c’est-à-dire du grand fauteuil de bois de noyer du pape. Cette draperie, qui porte le nom de Sixte IV, Pape (Sixtus IIII, Papa), on peut la toucher de la main, elle est à deux pieds de l’œil et elle fait illusion après trois cent cinquante-quatre ans.

N’étant bon à rien, pas même à écrire des lettres officielles pour mon métier, j’ai fait allumer du feu, et j’écris ceci, sans mentir j’espère, sans me faire illusion, avec plaisir, comme une lettre à un ami. Quelles seront les idées de cet ami en 1880 ? Combien différentes des nôtres ! Aujourd’hui c’est une énorme imprudence, une énormité pour les trois quarts de mes connaissances, que ces deux idées : le plus fripon des Kings et Tartare hypocrite appliqués à deux noms que je n’ose écrire ; en 1880, ces jugements seront des truisms que même les Kératry de l’époque n’oseront plus répéter. Ceci est nouveau pour moi ; parler à des gens dont on ignore absolument la tournure d’esprit, le genre d’éducation, les préjugés, la religion ! Quel encouragement à être vrai, et simplement vrai, il n’y a que cela qui tienne. Benvenuto a été vrai, et on le suit avec plaisir, comme s’il était écrit d’hier, tandis