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ma liaison avec Barot, que j’aime encore et qui m’aime. C’est peut-être le seul Français dans le château duquel je vais passer quinze jours avec plaisir. C’est le cœur le plus franc, le caractère le plus net, l’homme le moins spirituel et le moins instruit que je connaisse. Mais dans ses deux talents : celui de gagner de l’argent, sans jamais jouer à la Bourse, et celui de lier connaissance avec une femme qu’il voit à la promenade ou au spectacle, il est sans égal, dans le dernier surtout.

C’est que c’est une nécessité. Toute femme qui a eu des bontés pour lui devient comme un homme.


Un soir, Métilde me parlait de Mme Bignami, son amie. Elle me conta d’elle-même une histoire d’amour fort connue, puis ajouta : « Jugez de son sort : chaque soir, son amant, en sortant de chez elle, allait chez une fille. »

Or, quand j’eus quitté Milan, je compris que cette phrase morale n’appartenait nullement à l’histoire de Mme Bignami, mais était un avertissement moral à mon usage.

En effet, chaque soirée, après avoir accompagné Métilde chez sa cousine, Mme Traversi, à laquelle j’avais refusé gauchement d’être présenté, j’allais finir