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alors au coin de la rue du Rempart, en trouvant dans mon journal l’annonce de la mort de M. le comte Daru. Je sautai dans un cabriolet, la larme à l’œil, et courus au numéro 81 de la rue de Grenelle. Je trouvai un laquais qui pleurait, et je pleurai à chaudes larmes. Je me trouvais bien ingrat ; je mis le comble à mon ingratitude en partant le soir même pour l’Italie, je crois ; j’avançai mon départ ; je serais mort de douleur en entrant dans sa maison. Là aussi il y avait eu un peu de la folie qui me rendait si baroque en 1821.


M. Doligny fils plaidait aussi pour un des malheureux nigauds qui avaient voulu conspirer. De la place qu’il occupait comme avocat il me vit, il n’y eut pas moyen de ne pas aller voir sa mère. Elle avait un grand caractère, c’était une femme : je ne sais pourquoi je ne profitais pas de l’admirable obligeance de son accueil pour lui conter mes chagrins et lui demander conseil. Là encore je fus bien près du bonheur car la raison entendue de la bouche d’une femme eût eu un empire tout autre sur moi que celui que je me faisais.

Je dînais souvent chez Mme  Doligny. Au deuxième ou troisième dîner elle m’invita à déjeuner avec la maîtresse de M. d’Ambray alors chancelier. Je réussis