Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et sans nul esprit, M. Barot[1], banquier de Lunéville, alors occupé à gagner une fortune de 80,000 francs de rente ; 2o un officier[2] à la demi-solde, décoré à Waterloo, absolument privé d’esprit, encore plus d’imagination s’il est possible, sot, mais d’un ton parfait, et ayant eu tant de femmes qu’il était devenu sincère sur leur compte.

La conversation de M. Poitevin, le spectacle de son bon sens absolument pur de toute exagération causée par l’imagination, ses idées sur les femmes, ses conseils sur la toilette m’ont été fort utiles. Je crois que ce pauvre Poitevin avait 1200 francs de rente et une place de 1500 francs. Avec cela, c’était l’un des jeunes gens les mieux mis à Paris. Il est vrai qu’il ne sortait jamais sans une préparation de deux heures et demie. Enfin, il avait eu pendant deux mois, je crois, comme passade, la marquise des Raine, à laquelle plus tard j’ai eu tant d’obligations, que je me suis promis dix fois d’avoir, ce que je n’ai jamais tenté, en quoi j’ai eu tort. Elle me pardonnait ma laideur et je lui devais bien d’être son amant. Je verrai à acquitter cette dette à mon premier

  1. Lolo. (Note de R. Colomb.)
  2. Le Lancier. (Note de Colomb.)