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ces feuilles paraîtront imprimées et seront lues par quelque âme que j’aime, par un être tel que Mme Roland ou M. Gros, le géomètre. Mais les yeux qui liront ceci s’ouvrent à peine à la lumière, je suppute que mes futurs lecteurs ont dix ou douze ans.

Ai-je tiré tout le parti possible pour mon bonheur des positions où le hasard m’a placé pendant les neuf ans que je viens de passer à Paris ? Quel homme suis-je ? Ai-je du bon sens ? Ai-je du bon sens avec profondeur ?

Ai-je un esprit remarquable ? En vérité, je n’en sais rien. Ému par ce qui m’arrive au jour le jour, je pense rarement à ces questions fondamentales, et alors mes jugements varient comme mon humeur. Mes jugements ne sont que des aperçus.

Voyons si, en faisant mon examen de conscience, la plume à la main, j’arriverai à quelque chose de positif et qui reste longtemps vrai pour moi. Que penserai-je de ce que je me sens disposé à écrire en le relisant vers 1835, si je vis ? Sera-ce comme pour mes ouvrages imprimés ? J’ai un profond sentiment de tristesse quand faute d’autre livre je les relis.

Je sens, depuis un mois que j’y pense, une répugnance réelle à écrire uniquement pour parler de moi, du nombre de mes