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et fût resté l’ennemi mortel de son antagoniste dans la discussion. À la troisième séance, on eût fait des sonnets satiriques les uns contre les autres.

Car la discussion y était ferme et franche sur tout et avec tous. On était poli chez M. de l’Étang, mais à cause de lui. Il était souvent nécessaire qu’il protégeât la retraite des imprudents qui, cherchant une idée nouvelle, avaient avancé une absurdité trop marquante.

Je trouvai là M. de l’Étang, MM. Albert Stapfer, J.-J. Ampère, Sautelet, de Lussinge.

M. de l’Étang est un caractère dans le genre du bon vicaire de Wakefield. Il faudrait, pour en donner une idée, toutes les demi-teintes de Goldsmith ou d’Addison.

D’abord il est fort laid il a surtout, chose rare à Paris, le front ignoble et bas, il est bien fait et assez grand.

Il a toutes les petitesses d’un bourgeois. S’il achète pour trente-six francs une douzaine de mouchoirs chez le marchand du coin, deux heures après il croit que ses mouchoirs sont une rareté, et que pour aucun prix on ne pourrait en trouver de semblables à Paris.