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semble, en février 1822 qu’on m’y mena, huit ou dix personnes qui parlaient de tout. Je fus frappé de leur bon sens, de leur esprit, et surtout du tact fin du maître de la maison qui, sans qu’il y parût, dirigeait la discussion de façon à ce qu’on ne parlât jamais trois à la fois ou que l’on n’arrivât pas à de tristes moments de silence.

Je ne saurais exprimer trop d’estime pour cette société. Je n’ai jamais rien rencontré, je ne dirai pas de supérieur, mais même de comparable. Je fus frappé le premier jour, et vingt fois peut-être pendant les trois ou quatre ans qu’elle a duré, je me suis surpris à faire le même acte d admiration.

Une telle société n’est possible que dans la patrie de Voltaire, de Molière, de Courier.

Elle est impossible en Angleterre, car, chez M. de l’Étang, on se serait moqué d’un duc comme d’un autre, et plus que d’un autre, s’il eût été ridicule.

L’Allemagne ne pourrait la fournir, on y est trop accoutumé à croire avec enthousiasme la niaiserie philosophique à la mode (les Anges de M. Ancillon). D’ailleurs, hors de leur enthousiasme, les Allemands sont trop bêtes.

Les Italiens auraient disserté, chacun y eût gardé la parole pendant vingt minutes