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pour calomnier adroitement lord Byron, qui profita de cette haute leçon d’hypocrisie : voir la lettre que lord Byron m’écrivit en 1823[1].

Avez-vous jamais vu, lecteur bénévole, un ver à soie qui a mangé assez de feuille de mûrier ? La comparaison n’est pas noble, mais elle est si juste ! Cette laide bête ne veut plus manger, elle a besoin de grimper et de faire sa prison de soie.

Tel est l’animal nommé écrivain. Pour qui a goûté de la profonde occupation d’écrire, lire n’est plus qu’un plaisir secondaire. Tant de fois je croyais être à deux heures, je regardais ma pendule : il était six heures et demie. Voilà ma seule excuse pour avoir noirci tant de papier.

La santé morale me revenant, dans l’été de 1822, je songeais à faire imprimer un livre intitulé l’Amour, écrit au crayon à Milan en me promenant et songeant à Métilde.

Je comptais le refaire à Paris et il en a grand besoin. Songer un peu profondément à ces sortes de choses me rendait trop triste. C’était passer la main violemment sur une blessure à peine cicatrisée. Je transcrivis à l’encre ce qui était encore au crayon.

  1. Le 29 mai 1823 (Note de Colomb.)