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CHAPITRE 9



Mais il faut revenir à un petit jardin de la rue Caumartin. Là, chaque soir en été, nous attendaient de bonnes bouteilles de bière bien fraîche, à nous versée par une grande et belle femme, Mme  Romanée, femme séparée d’un imprimeur fripon et maîtresse de Maisonnette, qui l’avait achetée, dudit mari, deux ou trois mille francs.

Là nous allions souvent, Lussinge et moi. Le soir, nous rencontrions, sur le boulevard, M. Darbelles, homme de six pieds, notre ami d’enfance, mais bien ennuyeux. Il nous parlait du cours de Gebelin et voulait avancer par la science. Il a été plus heureux d’une autre façon, puisqu’il est ministre aujourd’hui. Il allait voir sa mère rue Caumartin ; pour nous débarrasser de lui, nous entrions chez Maisonnette.

Je commençais, cet été-là, à renaître un peu aux idées de ce monde. Je parvenais à ne plus penser à Milan pendant cinq ou six heures de suite ; le réveil, seul, était