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payés, ne leur ont fait de bien. Voir, en 1820, la fureur des Débats contre la Minerve.

M. de Jouy, par son Ermite de la Chaussée d’Antin, livre si bien adapté à l’esprit des bourgeois de France et à la curiosité bête de l’Allemand, s’est vu et s’est cru, pendant cinq ou six ans, le successeur de Voltaire dont, à cause de cela, il avait le buste dans son jardin de la maison des Trois Frères.

Depuis 1829, les littérateurs romantiques, qui n’ont même pas autant d’esprit que M. de Jouy, le font passer pour le Collin de l’époque (Boileau), et sa vieillesse est rendue malheureuse (amaregiata) par la gloire extravagante de son âge mûr.

Il partageait la dictature littéraire, quand j’arrivai en 1821, avec un autre sot bien autrement grossier, M. A.-V. Arnault, de l’Institut, amant de Mme Brac. J’ai beaucoup vu celui-ci chez Mme Cuvier, sœur de sa maîtresse. Il avait l’esprit d’un portier ivre. Il a cependant fait ces jolis vers :


Où va la feuille de chêne ?
Je vais où le vent me mène.


Il les fit la veille de son départ pour l’exil. Le malheur personnel avait donné quelque vie à cette âme de liège. Je l’avais