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Le général Foy, Mme Pasta, M. de Tracy, Canova, n’ont pas deviné en moi (j’ai sur le cœur ce mot sot : deviné) une âme remplie d’une rare bonté, j’en ai la bosse (système de Gall) et un esprit enflammé et capable de les comprendre.

Un des hommes qui ne m’a pas compris et, peut-être, à tout prendre, celui de tous que j’ai le plus aimé (il réalisait mon idéal, comme a dit je ne sais quelle bête emphatique), c’est Andréa Corner, de Venise, ancien aide de camp du prince Eugène à Milan.

J’étais en 1811, ami intime du comte Widmann, capitaine de la compagnie des gardes de Venise (j’étais l’amant de sa maîtresse). Je revis l’aimable Widmann à Moscou, où il me demanda tout uniment de le faire sénateur du royaume d’Italie. On me croyait alors favori de M. le comte Daru, mon cousin, qui ne m’a jamais aimé, et au contraire. En 1811, Widmann me fit connaître Corner, qui me frappa comme une belle figure de Paul Véronèse.

Le comte Corner a mangé cinq millions, dit-on. Il a des actions de la générosité la plus rare et les plus opposées au caractère de l’homme du monde français. Quant à la bravoure, il a eu les deux croix de la main de Napoléon (croix de fer et la légion d’honneur).

C’est lui qui disait si naïvement à quatre