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mais, au bout de six ou huit ans, ces calomnies ont fait que notre amitié est devenue fort tranquille. Je n’ai jamais eu un moment de colère contre Michevaux. Après le procédé si royal de François, il pouvait dire alors, comme je ne sais quel héros de Voltaire :

Une pauvreté noble est tout ce qui me reste.

Et je suppose que la Giuditta, comme nous l’appelions en italien, lui prêtait quelques petites sommes pour le garantir des pointes les plus dures de cette pauvreté.

Je n’avais pas grand esprit alors, pourtant j’avais des jaloux. M. de Perret, l’espion de la société de M. de Tracy, sut mes liaisons d’amitié avec Mme  Pasta : ces gens-là savent tout par leurs camarades. Il l’arrangea de la façon la plus odieuse aux yeux des dames de la rue d’Anjou. La femme la plus honnête, à l’esprit de laquelle toute idée de liaison est le plus étrangère, ne pardonne pas l’idée de liaison avec une actrice. Cela m’était déjà arrivé à Marseille en 1805 ; mais alors, Mme  Séraphie T… avait raison de ne plus vouloir me voir chaque soir, quand elle sut ma liaison avec Mlle  Louason (cette femme de tant d’esprit, depuis Mme  de Barkoff).

Dans la rue d’Anjou, qui au fond était ma société la plus respectable, pas même