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rien de plus raisonnable que ces deux êtres l’un vis-à-vis de l’autre. Je les ai vus tous les jours pendant quatre ou cinq ans, je n’aurais pas été étonné, après tout ce temps, qu’un magicien, me donnant la faculté d’être invisible, me mît à même de voir qu’ils ne faisaient pas l’amour ensemble, mais simplement parlaient musique. Je suis sûr que Mme Pasta, qui pendant huit ou dix ans non seulement a habité Paris, mais y a été à la mode les trois quarts de ce temps, n’a jamais eu d’amant français[1].


30 juin 1832.

Dans le temps où on lui présenta Michevaux, le beau Lagrange venait chaque soir passer trois heures à nous ennuyer, assis à côté d’elle sur son canapé. C’est ce général qui jouait le rôle d’Apollon ou du bel Espagnol délivré aux ballets de la cour impériale. J’ai vu la reine Caroline Murat et la divine princesse Borghèse danser en costume de sauvage avec lui. C’est un des êtres les plus vides de la

  1. 30 juin 1832. Écrit douze pages dans un bout de soirée, après avoir fait ma besogne officielle. Je n’aurais pas travaillé ainsi à une œuvre d’imagination.