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la crème fouettée et des fanfaronnades de Rossini. Dès qu’il voulait raisonner, cet esprit faible, accablé de fausse science, tombait dans les sottises les plus comiques. En politique, surtout, il était curieux. Au reste, je n’ai jamais rien connu de plus poétique et de plus absurde que le libéral italien ou carbonaro qui, de 1821 à 1830, remplissait les salons libéraux de Paris.

Un soir, après dîner, Michevaux monta chez lui. Deux heures après, ne le voyant point venir au café de Foy, où l’un de nous qui avait perdu le café le payait, nous montâmes chez lui. Nous le trouvâmes évanoui de douleur. Il avait le scolozisme : après dîner, la douleur locale avait redoublé ; cet esprit flegmatique et triste s’était mis à considérer toutes les misères, y compris la misère de l’argent. La douleur l’avait accablé. Un autre se serait tué ; quant à lui, il se serait contenté de mourir évanoui, si à grand’peine nous ne l’eussions réveillé.

Ce sort me toucha, peut-être un peu par la réflexion : voilà un être, cependant plus malheureux que moi. Barot lui prêta cinq cents francs, qui ont été rendus. Le lendemain, Lussinge ou moi le présentâmes à Mme  Pasta.

Huit jours après, nous nous aperçûmes qu’il était l’ami préféré. Rien de plus froid,