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meubles bien propres et bien vieux m’avaient touché. Nous n’avions pas fini de prendre le thé que j’étais intime avec elles au point de leur confier en mauvais anglais notre crainte d’être assassinés. Cela les déconcerta beaucoup.

— Mais enfin, ajoutai-je, la preuve que nous vous rendons justice, c’est que je vous raconte tout cela.

Nous renvoyâmes le fat. Alors je fus comme avec des amis tendres que je reverrais après un voyage d’un an.

Aucune porte ne fermait, autre sujet de soupçons quand nous allâmes nous coucher. Mais à quoi eussent servi des portes et de bonnes serrures ? Partout avec un coup de poing on eût enfoncé les petites séparations en briques. Tout s’entendait dans cette maison. Barot, qui était monté au second dans la chambre au-dessus de la mienne, me cria :

— Si l’on vous assassine, appelez-moi !

Je voulus garder de la lumière ; la pudeur de ma nouvelle amie, d’ailleurs si soumise et si bonne, n’y voulut jamais consentir. Elle eut un mouvement de peur bien marqué, quand elle me vit étaler mes pistolets et poignard sur la table de nuit placée du côté du lit, opposé à la porte. Elle était charmante, petite, bien faite, pâle.