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plus ridicule. Barot est gros et grand, moi gros, nous ne trouvions pas à nous asseoir, exactement parlant, les meubles avaient l’air faits pour des poupées. Nous avions peur de les écraser. Nos petites filles virent notre embarras, le leur s’accrut. Nous ne savions que dire absolument. Heureusement Barot eut l’idée de parler du jardin.

— Oh nous avons un jardin, dirent-elles, avec non pas de l’orgueil, mais enfin un peu de joie d’avoir quelque objet de luxe à montrer. Nous descendîmes au jardin avec des chandelles pour le voir ; il avait vingt-cinq pieds de long et dix de large. Barot et moi, partîmes d’un éclat de rire. Là, étaient tous les instruments d’économie domestique de ces pauvres filles, leur petit cuvier pour faire la lessive, leur petite cuve, avec un appareil elliptique pour brasser elles-mêmes leur bière.

Je fus touché et Barot dégoûté. Il me dit en français : payons-les et décampons.

— Elles vont être si humiliées, lui dis-je.

— Bah ! humiliées ! vous les connaissez bien Elles enverront chercher d’autres pratiques, s’il n’est pas trop tard, ou leurs amants, si les choses se passent ici comme en France.

Ces vérités ne firent aucune impression sur moi. Leur misère, tous ces petits