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an à une religion d’autant plus amusante qu’elle lui fait un peu peur, etc.

Mes compagnons se moquèrent rudement de moi. Mon paradoxe devint vérité à vue d’œil, et sera bien commun en 1840. Mes compagnons me trouvaient fou tout à fait quand j’ajoutais : Le travail exorbitant et accablant de l’ouvrier anglais nous venge de Waterloo et de quatre coalitions. Nous, nous avons enterré nos morts, et nos survivants sont plus heureux que les Anglais. Toute leur vie Barot et Lussinge me croiront une mauvaise tête. Dix ans après, je cherche à leur faire honte : Vous pensez aujourd’hui comme moi, à Londres, en 1821. Ils le nient, et la réputation de mauvaise tête me reste. Qu’on juge de ce qui m’arrivait quand j’avais le malheur de parler littérature. Mon cousin Colomb m’a cru longtemps réellement envieux, parce que je lui disais que le Lascaris de M. Villemain était ennuyeux à dormir debout. Qu’était-ce, grand Dieu ! quand j’abordais les principes généraux !

Un jour que je parlais de travail anglais, le petit fat qui nous servait de valet de place prétendit son honneur national offensé.

— Vous avez raison, lui dis-je, mais nous sommes malheureux : nous n’avons plus de connaissances agréables.