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CHAPITRE 6



Quelquefois j’écrivais une date sur un livre que j’achetais et l’indication du sentiment qui me dominait. Peut-être trouverai-je quelques dates dans mes livres. Je ne sais trop comment j’eus l’idée d’aller en Angleterre. J’écrivis à M…, mon banquier, de me donner une lettre de crédit de mille écus sur Londres ; il me répondit qu’il n’avait plus à moi que cent vingt-six francs. J’avais de l’argent je ne sais où, à Grenoble peut-être, je le fis venir et je partis.

Ma première idée de Londres me vint ainsi en 1821. Un jour, vers 1816, je crois, à Milan, je parlais de suicide avec le célèbre Brougham (aujourd’hui lord Brougham, chancelier d’Angleterre, et qui bientôt sera mort à force de travail.)

— Quoi de plus désagréable, me dit M. Brougham, que l’idée que tous les journaux vont annoncer que vous vous êtes brûlé la cervelle, et ensuite entrer dans votre vie privée pour chercher les motifs ?… Cela est à dégoûter de se tuer.