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chez Véry, aux Tuileries, et enfin je persuadai à Annette de se faire l’économe du comte et de vivre sagement avec lui des cinq cents francs donnés par le père. Aujourd’hui (1832), il y a dix ans que ce ménage dure. Malheureusement, Barral est devenu riche : il a 20.000 francs de rente au moins, et avec la richesse est venue une avarice atroce.

En 1817, j’avais été très amoureux d’Annette pendant quinze jours ; après quoi, je lui avais trouvé les idées étroites et parisiennes. C’est pour moi le plus grand remède à l’amour. Le soir, au milieu de la poussière du boulevard de Gand, je trouvais cet ami d’enfance et cette bonne Annette. Je ne savais que leur dire. Je périssais d’ennui et de tristesse ; les filles ne m’égayaient point.

Enfin, vers les dix heures et demie, j’allai chez Mme Pasta pour le pharaon, et j’avais le chagrin d’arriver le premier et d’être réduit à la conversation toute de cuisine de la Rachel, mère de la Giuditta. Mais elle me parlait milanais ; quelquefois je trouvais avec elle quelque nigaud, nouvellement arrivé de Milan, auquel elle avait donné à dîner.

Je demandais timidement à ces niais des nouvelles de toutes les jolies femmes de Milan. Je serais mort plutôt que de