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sentir des atteintes de cette triste passion.

En 1810, ce me semble, M. de Barral, ayant perdu tout ce qu’il avait au jeu, je lui prêtai quelque argent et je le forçai à partir pour Naples. Son père, fort galant homme, lui faisait une pension de 6.000 francs.

Au bout de quelques années, Barral, de retour de Naples, me trouva vivant avec une actrice charmante, qui, chaque soir, à onze heures et demie, venait s’établir dans mon lit. Je rentrais à une heure, et nous soupions avec une perdrix froide et du vin de Champagne. Cette liaison a duré deux ou trois ans. Mlle Bayreter avait une amie, fille du célèbre Rose, le marchand de culottes de peau. Molé, le célèbre acteur avait séduit les trois sœurs, filles charmantes. L’une d’elles est aujourd’hui Mme la marquise de D… Annette, de chute en chute, vivait alors avec un homme de la Bourse. Je la vantai tant à Barral qu’il en devint amoureux. Je persuadai à la jolie Annette de quitter son vilain agioteur. Barral n’avait pas exactement cinq francs le 2 du mois. Le 1er, en revenant de chez son banquier avec cinq cents francs, il allait dégager sa montre, qui était en gage et jouer les quatre cents francs qui lui restaient. Je pris de la peine, je donnai deux dîners aux parties belligérantes,