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d’industrie d’un côté et le conspirateur subalterne de l’autre. À cette table d’hôte je reconnus M. Alpy autrefois aide de camp du général Michaud et qui allait chercher les bottes du général. Étonné, je le revis là colonel et gendre de M. Kensinger, riche, bête, ministériel et maire de Strasbourg. Je ne parlai pas à ce colonel ni à son beau-père. Un homme maigre, assez grand, jaune et bavard me frappa. Il y avait un peu du feu sacré de Jean-Jacques Rousseau dans ses phrases en faveur des Bourbons que toute la table trouvait plates et ridicules. Cet homme avait la tournure, antipode de la grâce, d’un officier autrichien, plus tard il devint célèbre, c’est M. Courvoisier, garde des sceaux. Lussinge l’avait connu à Besançon.

Après le dîner, le café était encore un bon moment pour moi, tout au contraire de la promenade au boulevard de Gand, fort à la mode et rempli de poussière. Être dans ce lieu-là, rendez-vous des élégants subalternes, des officiers de la garde, des filles de la première classe et des bourgeoises élégantes leurs rivales, était un supplice pour moi.

Là, je rencontrais un de mes amis d’enfance, le comte de Barral, bon et excellent garçon qui, petit-fils d’un avare célèbre, commençait à trente ans à res-