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ROME, NAPLES ET FLORENCE

haute importance. Le Florentin s’écria : S’io vo, chi sta ? S’io sto, chi va ? (Si je vais à cette ambassade, qui restera ici, à la défense de la patrie ? Si je reste, qui va ?) Les Italiens sont le peuple moderne qui ressemble le plus aux anciens. Beaucoup d’usages ont survécu même à la conquête par les Romains. Ces gens-ci ont moins subi que nous l’inoculation de la féodalité et du grand sentiment des modernes (leur véritable et seule religion), le faux honneur des monarchies, bizarre mélange de vanité et de vertu (utilité du plus grand nombre).

Le plus respectable des savants de Paris se trouvait ici il y a quelques années : on parlait beaucoup dans la société d’un vase étrusque magnifique et d’une dimension colossale, que le prince Pignatelli venait d’acheter. Notre savant va voir le vase avec un Napolitain ; le prince était absent ; un ancien valet introduit les curieux dans une salle basse, où, sur un piedestal en bois, ils trouvent le vase antique. L’antiquaire français l’examine avec soin, admire surtout la finesse du dessin, le coulant des formes ; il tire son carnet, et essaye de copier deux ou trois groupes. Au bout de trois quarts d’heure de l’admiration la plus profonde, il se retire en donnant au valet un excellent pourboire. « Si leurs excellences veulent repasser demain, avant midi, dit le valet en remerciant, le prince y sera, et elles pourront voir l’original. » Ce que le savant avait tant admiré n’était qu’une copie faite par un artisan de la ville. Le Français conjura le Napolitain son compagnon de ne rien dire de son accident, qui, le lendemain fit la nouvelle du jour. Je pourrais nommer le savant illustre ; plusieurs contemporains de cette anecdote sont à Paris en ce moment. Si j’étais méchant, je citerais la découverte de la base de la fameuse colonne de Phocas, à Rome, attribuée à un fort haut personnage, et qui remonte à 1811 et aux travaux ordonnés par l’intendant de la couronne à Rome. Mais laissons en paix les vanités.

A propos de vases étrusques ou ainsi nommés, j’ai vu à Naples, aux Studj, la collection de madame Murat. Dès qu’un vase est bien dessiné, c’est une contrefaçon moderne. — Mensonges ordinaires des journaux ! Il y a deux ans qu’on a assigné mille ducats pour les armoires destinées à recevoir ces vases. Le con-