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de singulier ; c’est plutôt un habit bien brossé qu’un habit neuf. Rien chez eux qui ne respire l’économie la plus sévère. En tout c’est l’opposé des Milanais : jamais de ces faces épanouies et heureuses. À Milan, la principale affaire est de bien dîner ; à Florence, de faire croire qu’on a dîné. On cite par la ville beaucoup de gens qui vont à la cour et qui dînent en famille avec deux plats ; mais l’ambassadeur d’aucune puissance, à Paris, n’a autant de galon sur les habits de ses gens.

Les Français qui étaient à Florence avaient fait enseigner au limonadier du café militaire, vis-à-vis la statue équestre, à faire la bisteca (le bifteck) ; ils allaient y déjeuner. Le peuple les voyait manger de la viande dès le matin et dépenser magnifiquement vingt-trois sous. Rien n’a peut-être plus contribué à faire respecter les Français. J’ai encore trouvé dans Florence le proverbe Gran Francesi, grandi in tutto. Un Florentin se rappelle, au bout d’un an et avec reconnaissance, que vous lui avez fait accepter une tasse de chocolat. Cette excessive économie s’explique fort bien par l’histoire. Florence, dans le moyen âge, fut immensément riche par le commerce ; de république agitée elle devint monarchie absolue, perdit