Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sini donne à ses compatriotes. Elle chante Ombra adorata, aspettami et le duetto Svenami des Horaces : on pleure et le cœur applaudit. Il y avait là les plus jolies femmes de Milan, entre autres madame Litta, née à Gênes, d’une famille alliée dans le treizième siècle à celle de B*** ; superbes figures des officiers italiens ; pâleur extrême, grands yeux noirs, moustaches et cheveux châtains, cravates noires, traits antiques, simplicité et bonhomie dans les manières dont on ne peut pas avoir même l’idée en France. Je vois qu’ils sont presque tous in servitu, mot du pays fort expressif. Chacun est avec sa maîtresse. — Je suis présenté à ce brave général Severoli qui a perdu une jambe contre cet indigne Murat, quand il attaquait son bienfaiteur ; je vois le général Bertoletti, si connu en Espagne ; Monti, le plus grand poëte d’Italie[1] ; le jeune Melzi, héritier d’un

  1. Outre la Bassvilliana, on lui doit la meilleure traduction de l’Iliade qui existe et quatre volumes de beaux vers qui un jour seront bien étonnés de se trouver ensemble. Ce n’est pas par modestie que Virgile voulait, en mourant, qu’on brûlât son Énéide ; les plus beaux morceaux en étaient déjà connus. Quelle différence pour sa gloire si tout ce qu’il y a de faible manquait ! Pour bien écrire l’italien il faut commencer par savoir supérieurement le latin. Voilà deux idées que je dois à ma présentation à ce grand poëte. Il m’a paru avoir la haine la plus orthodoxe pour le genre romantique, et, quand il a été grand, il a été romantique. Il nous dit un sonnet sur les désastres de la campagne de 1813, où il rappelle l’idée de Judas, treizième