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mençait à dégénérer en apathie quand le coup de tonnerre du 14 mai vint réveiller les esprits. Les tranquilles Milanais ne pensaient pas plus à la France qu’au Japon.

Ce peuple, si loin de nous par les idées, crut à la liberté, et s’en trouva plus digne que nous. Le corps législatif de Milan refusa à Buonaparte, dans tout l’éclat de sa puissance (en 1806, je crois), une loi essentielle (l’enregistrement). Jamais corps législatif français n’osera seulement regarder en face une telle inconvenance. Celui du royaume d’Italie ne fut plus convoqué, et Buonaparte chercha là, comme en France, à masquer le despotisme par le culte de la gloire. À Marengo, l’Italie n’avait qu’un seul homme qui osât marcher au canon (le général Lecchi)[1]. Neuf ans après, à Raab, elle avait une armée de soixante mille hommes aussi braves que les Français. Elle avait un Almanach royal aussi gros que le nôtre, et tout plein de noms italiens.

Les routes étaient et sont vingt fois plus belles qu’en France. Tout s’organisait, tout marchait, les fabriques se multipliaient, le travail se mettait en honneur, tout ce qui avait de l’intelligence faisait fortune. Le moindre garçon pharmacien, travaillant

  1. Son combat à Varallo avec la légion de Rohan.