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il plonge dans une vallée profonde, et l’on se croirait à cent lieues de la mer ; car ses rivages n’ont rien ici de cet aspect désolé qu’ils présentent dans le Nord. Sûrs de nous quitter demain, probablement pour toujours, nous nous hâtons, mon colonel et moi, de nous dire en peu de mots tout ce que nous avons de plus intéressant.

Je lui parlais de l’ancien Paris, et de la société française avant la Révolution, il me dit : « Vous la jugez avec humeur. Il faut convenir que l’échantillon que vous en avez a un peu perdu de ses grâces. Pour moi, je suis venu sept fois en France avant la Révolution, et, pour la première de toutes, en 1775, à vingt ans ; ma famille était liée avec Horace Walpole, et j’eus une lettre de lui pour madame du Deffant. J’allai chez madame la duchesse de Choiseul ; j’y voyais l’abbé Barthélemy, le président Hénault, Pont-de-Veyle ; je fus présenté à d’Alembert, ce modèle des sages ; à madame de Flamarens, ce modèle des grâces ; et, après avoir combattu à Waterloo, j’ai quitté le service, et suis venu passer quinze mois à Paris, en 1815. Jamais l’histoire d’aucun peuple ne présentera de contraste aussi amusant ; jamais des pères ne se virent remplacés par des enfants si différents d’eux-mêmes. »