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lequel l’hôtesse envoyait emprunter des draps blancs, était le chef de leur bande, qui arrivait à l’auberge sur les deux heures du matin, au moment où l’on supposait les voyageurs endormis. Il y avait toujours de l’opium dans le vin servi au souper. La loi de la bande était de tuer les voyageurs et le vetturino ; cela fait, les voleurs replaçaient les corps morts dans la voiture, et la faisaient traîner par les chevaux dans quelque endroit désert, entre les sommets de l’Apennin. Là, les chevaux eux-mêmes étaient tués, la voiture et les effets des voyageurs brûlés ; on ne conservait absolument que l’argent et les bijoux. On enterrait avec le plus grand soin les cadavres et les débris de la voiture ; les montres et les joyaux étaient vendus à Gênes. Réveillée enfin par cet aveu, la police surprit toute la bande à un grand dîner dans le presbytère de Biondi ; on trouva chez elle la digne hôtesse qui, en envoyant prendre des draps, donnait avis à la troupe que des voyageurs dignes de ses soins venaient d’arriver à l’auberge.

D’après tout ce qu’on m’a dit, je vois que je serai obligé de penser du mal des Florentins actuels. Je ne veux pas du moins trahir les lois de l’hospitalité, et je viens de brûler dix-sept lettres de recommandation que j’avais pour Florence.