Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
ROME, NAPLES ET FLORENCE

ne sais par quel hasard, avait un million à dépenser. Valait-il mieux faire la façade de Saint-Jean-de-Latran ou un quai qui, remontât le Tibre de la Porte du Peuple au pont Saint-Ange ?

La façade est ridicule : mais peu importe à la question. Le pape se décida pour la façade ; et Rome attend encore un quai qui peut-être diminuerait la fièvre qui dévore ces quartiers depuis les premières chaleurs de mai jusqu’aux premières pluies d’octobre. Croirez-vous qu’on m’a montré dans le Corso, près de Saint-Charles-Borromée, la maison au delà de laquelle la fièvre ne passe jamais ? Cette année le kinine fait des merveilles. Un chimiste célèbre, M. Manni, le fabrique aussi bien qu’à Paris.

On me disait hier : « Quel dommage que François Ier n’ait pas fait la France protestante ! »

J’ai fort scandalisé l’apprenti philosophe en répondant : « C’eût été un grand malheur pour le monde ; nous fussions devenus tristes et raisonnables comme des Genevois. Plus de Lettres persanes, plus de Voltaire, surtout plus de Beaumarchais. Avez-vous pensé au degré de bonheur d’une nation chez laquelle les Mémoires de Beaumarchais occupent toutes les attentions ? Cela vaut peut-être