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8 août. — J’ai accroché deux artistes bolonais ; je me suis fait mener à la Sixtine. Je leur ai persuadé qu’ils m’en faisaient les honneurs. Ma sensation sur ce concert de chapons enroués est la même. Ils en sont convenus avec beaucoup de peine, et m’ont renvoyé aux cérémonies de la semaine sainte. Ma foi, j’ai bien l’air de manquer la l’ajournement. Des gens qui pourraient chanter, qui sauraient chanter juste, une fois de leur vie, ne pourraient se souffrir criant à tue-tête et déchirant l’oreille. Mais Rome est un drôle de pays : n’ayant rien au monde à quoi s’intéresser, ils portent l’esprit de parti dans les arts. Des gens d’esprit me soutiennent que tel barbouilleur au-dessous des nôtres est excellent, uniquement parce qu’il est de Rome. — On ne saurait siffler trop fort : point de grâce pour la médiocrité ; elle diminue notre sensibilité pour les beaux-arts.

14 août. — Enfin j’ai trouvé des gens de bon sens, mais c’est parmi les ambassadeurs. Ils pensent exactement comme moi. Tout ce qui est sot, me disait en allemand M***, ne peut pas se dépêtrer des toiles d’araignée des voyageurs, et admire sur parole. Il me mène chez l’avocat N*** : à Rome, c’est la classe instruite ; rien de bête comme leurs princes. J’en-