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les fermiers de la route ont avis de tenir prêts, à telle heure, des repas pour tant de personnes, suivant leurs moyens. Ce service est plus régulier que celui des étapes royales. »

Un mois avant l’époque où l’on me donnait ces détails, un fermier, piqué de la forme impérative de l’ordre pour le repas, a envoyé avertir le général napolitain : une troupe nombreuse de cavalerie et d’infanterie a cerné les indépendants. Avertis par les coups de fusils, ils se sont fait jour en couvrant le terrain de cadavres ennemis, et pas un d’eux n’est tombé. À peine échappés, ils ont fait dire au fermier d’arranger ses affaires. Trois jours après, ils ont occupé la ferme, ont institué un tribunal ; le fermier, mis à la torture, suivant l’usage du pays avant les Français, a tout avoué. Le tribunal, après avoir délibéré à huis clos, s’est avancé vers le fermier, et l’a lancé dans une grande chaudière qui était sur le feu, et où l’on faisait bouillir du lait pour les fromages. Après que le fermier a été cuit, ils ont forcé tous les domestiques de la ferme à manger de ce mets infernal.

Le chef pourrait facilement porter sa troupe à mille hommes ; mais il dit que son talent pour commander ne s’élève pas à plus de trente personnes. Il se con-