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croit que le voleur qui le découvrirait y a presque autant de droit que lui.

J’ai vu ce soir un prince fort galant homme qui réside à Crémone, ses discours m’ont amusé ; c’est ainsi qu’on devait être en 1600. À Crémone, ville opulente, superstitieuse, arriérée, une société de quarante dames fort nobles, fort riches, quelques-unes très-jolies, entreprend, vers 1809, de résister à toutes les mesures du gouvernement, favorise les conscrits réfractaires, facilite leur évasion, décrie le préfet, etc., etc. ; ces dames étaient dirigées par un moine, le plus bel homme de la ville, encore jeune. Napoléon exila ce bel homme à vingt lieues de chez lui, à Melegnano (Marignan), près de Milan. Ces belles dames le regrettent encore en 1816, et viennent de le demander au gouvernement autrichien, qui, grand ami du statu quo, le leur a refusé.

Je paye cette anecdote par l’histoire de Rosenfeld, si connue à Berlin. Vers 1760, Rosenfeld, beau jeune homme, ressemblant aux figures du Christ peintes par Lucas Cranagh, se mit à prêcher qu’il était le vrai Messie ; que Jésus-Christ n’avait été qu’un faux prophète ; mais qu’en revanche le roi Frédéric le Grand était Satan. Dans le pays de l’imagination et des rêveries, Rosenfeld se vit bientôt suivi de nombreux adhérents ; il choisit sept jeunes filles fort