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plus sublime des tragédies. C’est une plaine magnifique sans aucune culture. J’ai fait arrêter la calèche pour lire deux ou trois inscriptions romaines. Il y a quelque chose de naïf et de badaud dans mon respect passionné pour une inscription vraiment antique. Il me semble que je me mettrais à genoux pour lire avec plus de plaisir une inscription vraiment gravée par les Romains dans le lieu où, pour la première fois, ils cessèrent de fuir, après le Trasimène : j’y trouverais un grandiose qui, pendant huit jours, fournirait matière à mes rêveries ; j’en aimerais jusqu’à la forme des lettres. Rien ne me révolte comme une inscription moderne : c’est ordinairement là que toute notre petitesse éclate hideusement par ses superlatifs. Je réfléchis aujourd’hui sur mon émotion d’hier : mon passage à Rome, la vue de la campagne surtout m’a donné des nerfs. J’ai cru jusqu’à ces derniers temps détester les aristocrates ; mon cœur croyait sincèrement marcher comme ma tête. Le banquier R*** me dit un jour : « Je vois chez vous un élément aristocratique. » J’aurais juré d’en être à mille lieues. Je me suis en effet trouvé cette maladie : chercher à me corriger eût été duperie ; je m’y livre avec délices.

Qu’est-ce que le moi ? je n’en sais rien.