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À travers les belles fenêtres des palais du Corso, on voit la misère de l’intérieur. Pour ménager les mœurs si pures des Italiens de Rome, le pape ne leur permet le spectacle que pendant le carnaval ; tout le reste de l’année ils ont des comédiens de bois. On va défendre aux femmes de monter sur la scène, on aura des castrats à leur place. Nous dînons à l’Armellino (dans le Corso, rue magnifique, étroite, et remplie de palais). On nous fait jurer, en visant nos passe-ports, que nous n’avons jamais servi Murat : c’est ainsi que ce mot est écrit dans le serment ; on ne dit pas M. Murat ou le général Murat. Quelle grossièreté ! cela rappelle le Capet de la Révolution.

Nous sortons par la porte de Saint-Jean-de-Latran. Vue magnifique de la voie Appienne, marquée par une suite de monuments en ruine ; admirable solitude de la campagne de Rome ; effet étrange des ruines au milieu de ce silence immense. Comment décrire une telle sensation ? J’ai eu trois heures de l’émotion la plus singulière : le respect y entrait pour beaucoup. Pour ne pas être obligé de parler, je feignais de dormir. J’aurais eu beaucoup plus de plaisir étant seul. La campagne de Rome, traversée par ses longs fragments d’aqueducs, est pour moi la